Sahby Mehalla
Autrefois symbole d’innovation et d’idéalisme, la Silicon Valley est aujourd’hui éclaboussée par des révélations qui soulèvent l’indignation.
L’entreprise Google, en particulier, est au cœur d’un scandale moral majeur : sa technologie alimente activement la machine de guerre israélienne. Ce qui était autrefois un slogan emblématique – « Don’t be evil » – semble désormais vidé de son sens, à mesure que se dessine la collaboration directe entre le géant californien et un État accusé de commettre des crimes de guerre à Gaza.
Selon une enquête approfondie du Washington Post, étayée par des analyses de WIRED et des témoignages recueillis par le New York Times, Google aurait fourni un accès prioritaire à ses technologies d’intelligence artificielle à l’armée israélienne dans le cadre du très controversé projet Nimbus, signé en 2021 pour 1,2 milliard de dollars avec Amazon. Objectif : offrir aux forces israéliennes des services cloud avancés, des outils de reconnaissance faciale et des systèmes d’analyse prédictive.
Malgré les promesses initiales de non-utilisation militaire, des documents internes récemment dévoilés prouvent le contraire. Le service Vertex AI aurait ainsi été mis à disposition de Tsahal dès octobre 2023, en pleine intensification des bombardements sur Gaza. À cela s’ajoute l’usage présumé du modèle Gemini, optimisé pour trier et interpréter des masses de données sensibles, comme des fichiers audio issus du renseignement militaire.
Mais le plus glaçant demeure sans doute l'existence d’un système baptisé Habsora (« l’Évangile »), capable de générer automatiquement des cibles militaires en ne laissant aux opérateurs humains qu’un délai de 20 secondes pour valider une frappe [source : Washington Post]. Une guerre algorithmique où la vie humaine est réduite à une équation. Résultat ? Plus de 47 000 morts à Gaza, selon des chiffres rapportés par des ONG locales et relayés par Al Jazeera (source).
La complicité technologique va plus loin : selon le New York Times, des algorithmes de reconnaissance faciale développés par la société israélienne Corsight AI, en partie nourris par des données issues de Google Photos, auraient servi à identifier des cibles humaines à partir d’images de mauvaise qualité. Trois officiers israéliens ont confirmé l'utilisation de ces outils sur le terrain, bien que Google continue de nier toute implication directe dans ces dérives.
Quand certains salariés de Google s’indignent – à l’image de la coalition No Tech for Apartheid – ils sont sanctionnés sans ménagement : plus de 50 employés ont été suspendus ou licenciés pour avoir osé dénoncer cette complicité silencieuse. Un climat de terreur interne, reflet d’une volonté implacable de museler toute éthique dans les rangs de l’entreprise.
Et Google n’est pas seul. Meta, maison-mère de Facebook, est également pointée du doigt. Selon une enquête publiée par +972 Magazine, un système interne surnommé “Where’s daddy?” aurait été utilisé pour identifier les proches de combattants présumés, avec pour conséquence directe des frappes sur des familles entières.
Face à de telles révélations, une question brûlante s’impose : combien de civils doivent encore périr avant que les géants de la tech soient tenus responsables ? La neutralité technologique est un mythe. Lorsqu’elle sert un État engagé dans des opérations que nombre d’experts juridiques et humanitaires qualifient de génocidaires, la technologie cesse d’être un outil pour devenir une arme.
Il ne suffit plus de clamer qu’on ne « fait pas le mal ». Permettre qu’il se produise, ou pire, l’optimiser, c’est en être complice. Il est temps d’ouvrir les yeux, de nommer les responsabilités, et d’exiger des limites éthiques claires. L’humanité ne peut être sacrifiée sur l’autel du profit et de l’innovation aveugle.

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