Des profondeurs de la Terre pourrait bien surgir une révolution énergétique discrète, mais potentiellement gigantesque : l’hydrogène naturel.
ÉCRIT PAR : RADIO SISKO FM

La forstérite, un minéral d'olivine. L'interaction des eaux souterraines avec l'olivine peut entraîner une accumulation d'hydrogène dans les couches rocheuses environnantes. Crédit image : Smithsonian National Museum of Natural History.
Longtemps ignoré, ce gaz, aussi appelé hydrogène blanc, suscite aujourd’hui un regain d’intérêt international. Il pourrait couvrir les besoins énergétiques de l’humanité pendant des centaines de milliers d’années – et les États-Unis, la France ou encore l’Australie se livrent déjà à une course silencieuse pour en exploiter les premières grandes réserves.
Contrairement à l’hydrogène « vert » ou « bleu », issu de processus industriels complexes et coûteux, l’hydrogène naturel est produit spontanément dans la croûte terrestre, principalement par des réactions géochimiques comme la serpentinisation. Il remonte parfois en surface par des fissures, comme du pétrole ou du gaz. Longtemps considéré comme une curiosité géologique, il est désormais vu comme une solution stratégique pour la transition énergétique.
“C’est une source d’énergie qui pourrait, à terme, concurrencer les énergies fossiles, sans émission de carbone” expliquait récemment Geoffrey Ellis, chercheur à l’US Geological Survey (USGS).
En 2023, une découverte majeure en Lorraine a changé la donne en Europe. Des chercheurs du CNRS et de l’Université de Lorraine ont mis au jour un gisement souterrain estimé à 46 millions de tonnes d’hydrogène naturel – une quantité capable d’alimenter la France entière pendant plusieurs décennies, selon certaines estimations.
Le gouvernement français a depuis lancé des études pour cartographier d’autres zones potentiellement riches, notamment dans les Pyrénées et le Massif central.
De son côté, les États-Unis ne comptent pas rester en marge. Un programme de recherche financé par le Department of Energy explore actuellement des dizaines de sites potentiels à travers le territoire. Plusieurs États comme le Nebraska, le Colorado ou l’Alabama ont été identifiés comme zones prometteuses. Les premières forages expérimentaux sont attendus d’ici 2026.
L’Australie, déjà en pointe sur les énergies renouvelables, multiplie aussi les permis d’exploration dans le sud du pays. En 2022, une première fuite d’hydrogène naturel a été observée dans la péninsule de Yorke, incitant les autorités locales à soutenir l'exploration géologique.
À l’heure où la demande mondiale en hydrogène dépasse les 95 millions de tonnes par an, principalement pour des usages industriels, l’intérêt pour l’hydrogène naturel repose sur deux piliers : sa faible empreinte carbone et son potentiel d’extraction directe, sans besoin d’électricité ou d’électrolyse.
Cependant, les défis techniques sont nombreux : cartographier les réservoirs, maîtriser leur exploitation sans fuites, et garantir leur viabilité économique à long terme.
“Si nous savons localiser et extraire efficacement cet hydrogène naturel, nous tenons là une ressource illimitée et propre,” expliquait récemment un rapport de l’IEA.
Le potentiel est immense. Mais tout dépendra de notre capacité à explorer les sous-sols, à encadrer l’exploitation de ce gaz et à éviter de répéter les erreurs liées au pétrole et au gaz de schiste. Ce qui est certain : sous nos pieds, la Terre pourrait bien cacher l’un des leviers majeurs de la transition énergétique mondiale.
Ajouter un commentaire
Commentaires