Getty Images contre Stability AI : un procès historique sur les droits d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle

Publié le 11 juin 2025 à 14:25

Le bras de fer entre Getty Images et Stability AI vient d’entrer dans sa phase décisive à la Haute Cour de Londres. 

ÉCRIT PAR : RADIO SISKO FM

AP Photo/John Minchillo

 

Au cœur du litige, l’utilisation massive, et présumée non autorisée, de millions de clichés protégés pour entraîner l’intelligence artificielle Stable Diffusion, développée par Stability. Un procès explosif, aux allures de crash test juridique pour tout le secteur de la création à l’ère numérique.

Getty accuse Stability d’avoir utilisé plus de 12 millions d’images issues de sa base sans autorisation, via le jeu de données LAION-5B, une gigantesque compilation d’images glanées sur le web. 

Certaines de ces photos portaient encore les filigranes Getty dans les résultats générés par Stable Diffusion. Un détail qui n’a rien d’anodin, il témoignerait d’une reproduction directe, et non d’une simple inspiration ou d’un traitement transformateur.

« Nos images ne sont pas du carburant gratuit pour des modèles d’IA à but lucratif », a déclaré Craig Peters, PDG de Getty Images, dans un communiqué. 

Le groupe affirme représenter plus de 600 000 photographes, artistes et agences, et vouloir protéger leur travail face à ce qu’il décrit comme une extraction "industrialisée".

Stability AI, quant à elle, rejette les accusations et conteste la compétence du tribunal britannique. Selon elle, l’entraînement de Stable Diffusion s’est déroulé sur des serveurs situés aux États-Unis, rendant le procès caduc en droit britannique.

Elle soutient également que ses pratiques relèvent du fair use (usage équitable), et que ses modèles ne restituent pas les images mais apprennent des « motifs visuels statistiques ».

La start-up, longtemps saluée pour avoir démocratisé l’accès à la création visuelle assistée par IA, dénonce un procès à portée politique, qui pourrait freiner l’innovation technologique en Europe.

La décision attendue à la fin du mois de juin pourrait faire jurisprudence. En cas de victoire de Getty, les géants de l’IA devront probablement obtenir des licences explicites pour chaque image utilisée, même à des fins d’entraînement. Cela pourrait transformer le modèle économique actuel de l’intelligence artificielle générative.

En toile de fond : une question vertigineuse. Peut-on enseigner à une IA sans jamais empiéter sur le travail humain ? Et si oui, à quel prix ?

Alors que photographes, artistes numériques et éditeurs appellent à un cadre juridique clair, les entreprises d’IA redoutent un coup de frein massif à la recherche. 

L’Union européenne planche déjà sur des obligations de transparence concernant les données d’entraînement dans son futur AI Act, pendant que les États-Unis et le Royaume-Uni naviguent à vue.

Ce procès pourrait bien être la première grande bataille du copyright à l’ère de l’intelligence artificielle, et son verdict pourrait redéfinir la frontière entre création humaine et création algorithmique.

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