Un jour férié pour oublier la suite de l’histoire ?
ÉCRIT PAR : @sahbymehalla

Le 19 juin est désormais un jour férié fédéral aux États-Unis, le Juneteenth commémoration de la libération tardive des derniers esclaves texans en 1865, plus de deux ans après la proclamation d’émancipation d’Abraham Lincoln. Une date symbolique, puissante, célébrée dans tout le pays. Mais aussi, osons le dire, profondément hypocrite si l’on regarde le reste de l’histoire.
Car si les chaînes ont été brisées sur le papier en 1865, les ghettos, la ségrégation, les discriminations systémiques et les violences policières ont pris le relais. L’Amérique célèbre chaque année la fin de l’esclavage, tout en continuant de piétiner la dignité des Afro-Américains sous des formes plus insidieuses mais tout aussi destructrices.
De la plantation au pénitencier
La fin de l’esclavage ? Pas tout à fait. À peine libérés, des milliers d’anciens esclaves sont arrêtés pour vagabondage et renvoyés dans les champs sous contrat pénal. Dès le XIXe siècle, le système carcéral devient un outil de perpétuation de l’ordre racial.
Aujourd’hui encore, les prisons américaines sont remplies de jeunes hommes noirs, surreprésentés dans des procès biaisés, souvent condamnés plus lourdement que leurs homologues blancs. Les chiffres sont implacables, selon le Bureau of Justice Statistics, un homme noir a six fois plus de risques d’être incarcéré qu’un homme blanc.
La ségrégation ne portait pas seulement un drapeau confédéré
Des bancs d’écoles aux logements sociaux, la ségrégation raciale n’a jamais réellement cessé aux États-Unis. Dans les années 1950 à 1970, elle était encore institutionnalisée dans de nombreux États du Sud. Et même après le Civil Rights Act de 1964, les discriminations ont simplement changé de costume, financement scolaire inégal, accès inéquitable au crédit bancaire, brutalité policière, racisme dans l’emploi…
George Floyd n’est pas mort dans un autre pays. Il est mort en 2020, à genoux, sous le poids d’un système qui n’a jamais digéré l’égalité raciale.
Juneteenth : un jour de mémoire ou un jour de marketing ?
Depuis que Juneteenth est devenu un jour férié en 2021, grandes entreprises et institutions politiques rivalisent d’opérations de communication. Starbucks vend des mugs commémoratifs, Walmart des cupcakes aux couleurs panafricaines. Mais pendant ce temps, des lois limitent toujours l’enseignement du racisme systémique dans les écoles de plusieurs États républicains, au nom de la "préservation de l’unité nationale".
C’est là tout le paradoxe, comment commémorer la fin de l’esclavage si on refuse de parler honnêtement de ce qui l’a suivi ?
Un miroir tendu à l’Occident
Juneteenth devrait être bien plus qu’une fête folklorique. C’est un rappel brutal que l’Amérique n’a jamais été aussi libre qu’elle le prétend. Et qu’en 2025, il est encore nécessaire de rappeler que Black Lives Matter n’est pas un slogan, mais une urgence vitale et quotidienne pour des millions d’Américains.
Comme le disait James Baldwin :
«Je ne peux pas croire ce que tu dis, car je vois ce que tu fais.»
ÉCRIT PAR : SAHBY MEHALLA

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