Et si l’un des déchets les plus banals de l’humanité devenait une ressource industrielle d’avenir ?
ÉCRIT : @sahbymehalla

C’est le pari fou – mais sérieusement étayé – que font plusieurs chercheurs internationaux, après avoir démontré qu’il est désormais possible de transformer l’urine humaine en un matériau médical de haute valeur, l’hydroxyapatite.
Des scientifiques du Lawrence Berkeley National Lab, de l’université d’Irvine (Californie) et de l’Illinois ont récemment publié une étude choc dans Nature Communications, en modifiant génétiquement une levure baptisée “osteoyeast”, ils ont réussi à produire plus d’un gramme par litre d’hydroxyapatite (HAp), un minéral utilisé dans la chirurgie osseuse, dentaire et la fabrication de biomatériaux implantables. Le tout, à partir d’urine humaine – une matière première renouvelable, abondante et encore largement sous-exploitée.
« Ce processus permet de transformer un déchet en matière précieuse tout en réduisant la pollution de l’eau et la dépendance aux ressources minières », explique le Pr Kevin Solomon, biologiste synthétique à l’UIUC.
Le processus repose sur un double mécanisme, d’abord la levure capte et concentre les ions calcium et phosphate naturellement présents dans l’urine, ensuite elle les précipite sous forme de nano-cristaux de HAp. Cette substance entre dans la composition naturelle des os et peut être utilisée dans l'impression 3D pour créer des prothèses, renforcer des matériaux de construction, ou remplacer certains plastiques non biodégradables.
Mieux encore, ce bioprocédé permettrait de dépolluer les stations d’épuration, où l’urine représente jusqu’à 80 % de l’azote et 50 % du phosphore présents dans les eaux usées, selon une étude citée par Discover Magazine.
L’hydroxyapatite coûte entre 80 et 150 $ le kilo sur le marché médical. La possibilité de la produire localement et à faible impact carbone représente donc une opportunité économique majeure, en particulier pour les pays en développement ou les zones urbaines à forte densité.
Mais la route vers l’industrialisation est encore longue, il faudra affiner les rendements, standardiser les protocoles, et, surtout, lever les tabous sociaux. L’idée de recycler l’urine dans des implants médicaux ou des matériaux de construction pourrait encore heurter certaines sensibilités.
Cette innovation s’inscrit dans une tendance mondiale en pleine accélération, la valorisation des déchets humains dans l’économie verte. Après les excréments transformés en briques ou en biogaz, l’urine devient un acteur clé de la transition écologique, à la croisée de la biologie synthétique, de la médecine régénérative et de l’urbanisme durable.
«Il ne s’agit pas d’une lubie scientifique», assure le chercheur Arun Sharma, co-auteur de l’étude. «C’est un changement de paradigme sur ce que nous considérons comme déchet. L’urine pourrait devenir un ingrédient stratégique pour une économie post-pétrole.»
ÉCRIT PAR : SAHBY MEHALLA
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